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et savant homme, mari d’une charmante femme et père d’une jolie fille de quinze ans, Charlotte, excellente musicienne. Charlotte est touchée par les malheurs du jeune étranger. Elle le questionne sur la France, sur la littérature, lui demande des plans d’études, traduit avec lui le Tasse et joue du piano pour lui. Une chute de cheval, qui l’oblige à rester quelque temps chez les Ives, resserre l’intimité. Il se laisse aller à ce charme… Mais un jour madame Ives, en fort bons termes, et délicats et touchants, lui offre la main de Charlotte… « De toutes les peines que j’avais endurées, celle-là me fut la plus sensible et la plus grande. Je me jetai aux genoux de madame Ives ; je couvris ses mains de mes baisers et de mes larmes. Elle croyait que je pleurais de bonheur, et elle se mit à sangloter de joie… Elle appela son mari et sa fille. « Arrêtez ! m’écriai-je, je suis marié ! » Il s’en était tout à coup ressouvenu, et sans plaisir.

(Cette Charlotte Ives se mariera, sera lady Sulton ; et, vingt ans plus tard, en 1822, elle ira trouver Chateaubriand, ambassadeur à Londres, se fera reconnaître, échangera avec lui des souvenirs mélancoliques et tendres, et finalement le priera (car elle ne perd pas la tête) de s’intéresser à son fils aîné et de le recommander à Canning. Et Chateaubriand nous racontera cette scène d’une façon touchante, certes, mais sans doute en la romançant un peu. Et encore, je n’en sais rien. Je dis cela parce qu’il romance