Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/36

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pourquoi ? pourquoi ? pourquoi ? C’est affreusement simple. Il s’est aperçu qu’il n’avait pas assez d’argent pour rejoindre les princes. « On me maria, dit-il, afin de me procurer le moyen de m’aller faire tuer pour une cause que je n’aimais pas. » Il épouse une orpheline, mademoiselle Céleste Buisson de la Vigne, « blanche, délicate, mince et fort jolie », qu’il avait aperçue trois ou quatre fois, et dont « on estimait la fortune de cinq à six cent mille francs ». C’était donc un mariage riche. Mais il se trouva que la fortune de sa femme était en rentes sur le clergé : « La nation se chargea de les payer à sa façon… » Il faudra emprunter ; un notaire lui procurera dix mille francs. Au moment de partir, il les jouera, et les perdra, sauf quinze cents francs. C’est avec ces quinze cents francs qu’il partira pour l’armée des princes. Ce n’était pas la peine de prendre femme pour cela… Il faut dire que c’est sa sœur Lucile qui l’a voulu marier. Peut-être verrons-nous plus tard les raisons qu’elle en avait.

À peine marié, il quitte sa jeune femme. Il l’oubliera totalement pendant douze ans. Avant son départ, il revoit à Paris M. de Malesherbes et lui soumet ses scrupules sur l’émigration. Car, dit-il, « mon peu de goût pour la monarchie absolue ne me laissait aucune illusion sur le parti que je prenais. » M. de Malesherbes répond à ses objections. « Il me cita des exemples embarrassants. Il me présenta les Guelfes et les Gibelins