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vieillesse, un peu plus sincère et un peu plus détachée.

Que dire encore ?

Le Génie et les Martyrs ne sont plus guère que d’illustres dates. Mais Chateaubriand a laissé plus et moins que de grands livres. Outre que nous lui devons, ou que nous pouvons nourrir en lui certains sentiments allégeants, tels que la piété sans beaucoup de foi, la fantaisie de juger les choses vraies dans la mesure où elles sont belles, et une sorte de mélancolie qui est une défense enchantée contre la douleur : sentiments peu sociaux, dont il ne faut pas vivre, mais qu’il est bon de connaître ; outre tout cela, Chateaubriand est, depuis les écrivains du seizième et du dix-septième siècle, l’homme qui a le plus agi sur la langue et sur le style ; il est l’homme qui a su y introduire le plus de musique, le plus d’images, le plus de parfums, le plus de contacts suaves, si j’ose dire, et le plus de délices, et qui a écrit les plus enivrantes phrases sur la volupté et sur la mort. Et cela est inestimable.

Je disais en commençant :

« Chateaubriand ! Quelles images fait surgir aussitôt ce nom sonore ? Une magnifique série d’attitudes… Un enfant rêveur, dans les bruyères, autour d’un vieux château… Un jeune officier français chez les Peaux-Rouges, parmi des sauvagesses charmantes, dans la forêt vierge… Un livre qui fait rouvrir les églises et sortir les processions… Le clair de lune, la cime indéterminée des forêts, l’