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tout pour s’évader de tout » (Lasserre). Ce qu’il n’a pas eu, la grande action politique (et encore a-t-il cru qu’il l’avait), n’ajouterait rien à sa renommée. Il a été aimé de beaucoup de femmes, et des plus distinguées de son temps, et des plus belles. Sa vie a été noble ; il a eu quelques gestes vraiment beaux et qui ont été connus. Il a vu tout un siècle de littérature commencer à sortir de lui, et qui l’avouait. Il a eu à peu près autant de gloire qu’un homme en peut avoir, et il l’a savourée très longtemps. Et il a eu, en outre, l’illusion d’être supérieur à sa gloire et de croire qu’il la méprisait ; car personne n’a été ni plus vaniteux, ni plus persuadé de la vanité des choses : double jouissance.

Oui, il doit être content. Il a dû avoir, toutefois, quelques déceptions posthumes.

Il a écrit incroyablement. Il a écrit très jeune, il a écrit très vieux ; il a écrit presque autant que Bossuet ; il a écrit beaucoup de choses dont je n’ai pu vous parler : des Études historiques, des lettres de voyage, une histoire de la littérature anglaise, et combien d’articles politiques et de brochures, et combien de vastes dépêches diplomatiques ! Il a eu la rage d’écrire, ce qui ne l’empêche ni d’avoir été un éternel voyageur, ni d’avoir été dévoré du désir d’être un grand politique ; car, c’est bien simple, toute sa vie il a voulu être tout et posséder tout. Mais enfin sa fureur dominante a été celle d’écrire, et il a été surtout un étonnant homme de lettres, et au point de dépasser d’avance en