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un pressant besoin de cracher : il se retint et mourut étouffé par le pain des anges. » — «… Cette plainte, qui sort du cœur de Rancé, comme ces boîtes harmonieuses faites dans les montagnes qui répètent le même son. » Le cœur de Rancé, une boîte à musique ? Mon Dieu, oui ! Il lui faut des images. Beaucoup des images de la Vie de Rancé sont d’un goût inquiétant, ou même d’un mauvais goût délicieux : c’est donc le comble de la volupté littéraire. Et puis, ce rythme, cette harmonie ; et, d’autres fois, ce mystérieux, cet inachevé… À propos d’Abélard : « Tout a changé en Bretagne, hors les vagues qui changent toujours… » Et quand Rancé entre dans la ville des saints apôtres : « Ô Rome, te voilà donc encore ! Est-ce ta dernière apparition ? Malheur à l’âge pour qui la nature a perdu ses félicités ! Des pays enchantés où rien ne nous attend plus sont arides : quelles aimables ombres verrai-je dans les temps à venir ? Fi ! des nuages qui volent sur une tête blanchie ! » À propos de Lélia (car il parle de George Sand dans la Vie de Rancé) : « L’insulte à la rectitude de la vie ne saurait aller plus loin, il est vrai : mais madame Sand fait descendre sur l’abîme son talent, comme j’ai vu la rosée tomber sur la mer Morte. » Dans la Vie de Rancé, Chateaubriand dépasse sa manière ; il est son propre décadent ; il devance même ses ultimes disciples.

C’est l’image à tout prix. Et, presque toujours, c’est l’image voluptueuse. « Chateaubriand, dit Maurras,