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Bernardin de Saint-Pierre, avec peut-être quelque chose de plus vif dans le pittoresque :

 À quelque distance du rivage, à l’ombre d’un cyprès chauve,
 nous remarquâmes de petites pyramides limoneuses qui s’élevaient
 sous l’eau et montaient jusqu’à sa surface. Une légion de
 poissons d’or faisait en silence les approches de la citadelle.
 Tout à coup l’eau bouillonnait ; les poissons d’or fuyaient. Des
 écrevisses armées de ciseaux, sortant de la place insultée,
 culbutaient leurs brillants ennemis. Mais bientôt les bandes
 éparses revenaient à la charge, faisaient plier à leur tour les
 assiégés, et la brave mais lente garnison rentrait à reculons
 pour se réparer dans la forteresse.

Ou bien :

 De toutes les parties de la forêt, les chauves-souris accrochées
 aux feuilles élèvent leur chant monotone : on croirait ouïr un
 glas continu.

Ou encore :

 Les canards branchus, les linottes bleues, les cardinaux, les
 chardonnerets pourpres brillent dans la verdure des arbres ;
 l’oiseau whet-shaw imite le bruit de la scie, l’oiseau-chat
 miaule, et les perroquets qui apprennent quelques mots autour des
 maisons les répètent dans les bois.

Déjà, pourtant, certaines inventions verbales et certaines harmonies présagent, semble-t-il, le Chateaubriand futur :

 Minuit. Le feu commence à s’éteindre, le cercle de sa lumière
 se rétrécit. J’écoute : un calme formidable pèse sur ces