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ses « liens » n’avaient rien de « tyrannique ». Et ils devinrent très doux à mesure que Chateaubriand vieillissait. — Très doux, mais, peu à peu, d’une douceur si triste ! — Le 16 août 1846, en voulant descendre de voiture, le pied lui manqua et il se cassa la clavicule… Dès lors, il ne put plus marcher. Lorsqu’il venait à l’Abbaye-au-Bois, son valet de chambre et celui de madame Récamier le portaient de sa voiture jusqu’au salon de son amie, ce salon dont il était le dieu immobile et muet. Tous les jours il écrit à son amie de petits billets désespérés et tendres : «… Voici mon heure qui approche, et j’irai vous voir à deux heures et demie. À vous… Combien y a-t-il de temps que mes billets finissent ainsi ? » — « Je vais vous revoir. Mon bonheur va revenir. » — « Je vous en supplie, ne venez pas, le temps est mauvais, vous attraperiez du mal. Demain, je vous reporterai ma triste personne. » — « Priez pour moi et me restez toujours attachée, c’est le moyen de me guérir. » — « Toujours à vous, je ne vous donne pas grand’chose. » — « Que je vous remercie ! Il faut, pour achever votre générosité, que vous vous portiez bien. Faites-vous le bien que vous me faites. Tâchez de me lire ; vous aurez mon dernier mot, comme ma dernière parole est à vous. À votre heure, à l’Abbaye… Aimez-moi un peu pour tout ce que je vous aime. »

Et madame de Chateaubriand ? Elle vivait toujours. On peut dire que celle-là « en avait supporté ».