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un accident ; je sens que je ne devais pas naître. Acceptez de cet accident la passion, la rapidité et le malheur : je vous donnerai plus dans un jour qu’un autre dans de longues années. » Une autre fois : « Je suis toujours triste, parce que je suis vieux… Restez jeune, il n’y a que cela de bon ».

Ainsi parlait l’auteur du Génie du christianisme. Il parlait comme l’Ecclésiaste ; il parlait comme Anacréon ou Mimnerme ; et il pensait et agissait comme eux. Longtemps il avait cherché dans l’amour, comme dit Sainte-Beuve, « l’occasion du trouble et du rêve ». À la fin, il n’y cherche plus… oh ! mon Dieu, que ce que Sainte-Beuve lui-même y cherchait au même âge. Est-il triste, ou est-il amusant, de découvrir ce Chateaubriand de guinguette et d’amours simplifiées derrière le Chateaubriand officiel, le chantre et le restaurateur de la religion ?… À quoi songeait-il, rentré à l’Infirmerie Sainte-Thérèse ou à l’Abbaye-au-Bois ? Hortense dit drôlement : « Sa vie était ordonnée d’une façon qui me répondait de lui ; son âge et sa dignité naturelle m’étaient déjà une garantie : mais outre cela, il était tenu chez lui et dans le monde par des liens tyranniques ; deux femmes âgées dont je n’étais pas jalouse (la sienne et une autre) le gardaient comme pour moi seule. »

L’« autre » femme âgée, c’est madame Récamier. C’est elle que Chateaubriand retrouvait après les promenades et les petits dîners avec Hortense ; mais, sur celle-là du moins, Hortense se trompe :