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De même :

 Cette terre commence à se peupler… Les générations
 européennes seront-elles plus vertueuses et plus libres sur
 ces bords que les générations américaines qu’elles auront
 exterminées ? Des esclaves ne laboureront-ils point la terre sous
 le fouet de leur maître, dans ces déserts où l’homme promenait
 son indépendance ? Des prisons et des gibets ne remplaceront-ils
 point la cabane ouverte et le haut chêne qui ne porte que le nid
 des oiseaux ? La richesse du sol ne fera-t-elle point naître de
 nouvelles guerres ? Le Kentucky cessera-t-il d’être la terre du
 sang, et les édifices des hommes embelliront-ils mieux les bords
 de l’Ohio que les monuments de la nature ?

Et encore :

 Pourquoi trouve-t-on tant de charme à la vie sauvage ?…
 Cela prouve que l’homme est plutôt un être actif qu’un être
 contemplatif, que dans sa condition naturelle il lui faut peu de
 chose, et que la simplicité de l’âme est une source inépuisable
 de bonheur.

(À moins, toutefois, qu’il ne regarde les choses presque uniquement pour les décrire, qu’il n’ait dans son bagage un encrier, une plume et de gros cahiers de papier, et que, sous la hutte de l’Indien, il ne passe plusieurs heures par jour à aligner des phrases artificieuses et savantes dont il attend la renommée et l’admiration des hommes, — comme faisait le chevalier de Chateaubriand : et c’est là sa principale manière de trouver à la vie sauvage « tant de charme ».) Et voici d’excellent