Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

vergers »), ailleurs la Louisianaise Célestine, et la jeune Occitanienne (vulgo Languedocienne), la « charmante étrangère de seize ans », à qui il conseille si tristement de ne pas l’aimer. (Vogüé nous apprend, dans « Une Inconnue » de Chateaubriand, que l’étrangère de seize ans en avait cinquante et qu’elle s’appelait madame de Vichet) ; et enfin, dans trois des pages les plus miraculeuses de la littérature française, il évoque sa Sylphide, qu’il nomme cette fois Cynthie, et sur la route de Carlsbad il se rappelle la molle Italie et la campagne romaine sous la lune. «… Mais, Cynthie, il n’y a de vrai que le bonheur dont tu peux jouir… Jeune Italienne, le temps fuit. Sur ces tapis de fleurs, tes compagnes ont déjà passé. » Et Lucile, toujours Lucile : « À la nuit tombante, j’entrai dans des bois. Des corneilles criaient en l’air… Voilà que je retournai à ma première jeunesse : je revis les corneilles du mail de Combourg… Ô souvenirs, vous traversez le cœur comme un glaive ! Ô ma Lucile, bien des années nous ont séparés ! Maintenant la foule de mes jours a passé, et, en se dissipant, me laisse mieux voir ton visage. »

Ainsi rêve l’harmonieux vieillard, inconsolable, mais toujours consolé. Et la conclusion des Mémoires, — après une dernière glorification de sa vie et de son œuvre, et un dernier glas sonné sur la France et l’Europe, c’est un acte de foi glacé dans une sorte de christianisme social, — et cette phrase : « Il ne me reste qu’à m’asseoir au bord de ma