les proches de Napoléon étaient las de son oppression et de ses conquêtes, las de cette partie toujours gagnée et jouée toujours, de cette existence remise en question chaque matin par l’impossibilité du repos. » Lui, Chateaubriand, s’en souvient sans doute : mais, depuis que l’autre n’est plus là, il sait qu’il est, lui, le seul grand homme vivant. Il est, aux yeux de la France, le patriarche des lettres. Il jouit de sa gloire désencombrée de Napoléon, et cela lui conseille, à l’égard de son rival mort, la magnanimité.
L’histoire de Napoléon par Chateaubriand est splendide. Et elle est quelquefois profonde. Sur les commencements de Bonaparte : « Il a pris croissance dans notre chair ; il a brisé nos os. C’est une chose déplorable, mais il faut le reconnaître, si l’on ne veut ignorer les mystères de la nature humaine et le caractère des temps : une partie de la puissance de Napoléon vient d’avoir trempé dans la Terreur. La Révolution est à l’aise pour servir ceux qui ont passé à travers ses crimes : une origine innocente est un obstacle. »
Sans doute, il fait de Bonaparte un monstre en morale. Il croit aux cruautés qu’on lui prête, et par exemple à l’empoisonnement des pestiférés de Jaffa ; il relève les folies et les crimes, mais en même temps il ne se lasse pas de glorifier, dans le monstre, un prodige de génie. Il a vu que la faculté dominante de Bonaparte était l’imagination et comment il subissait l’attrait du gigantesque, et le rêve