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n’a achevé ses Mémoires, je vous l’ai dit, qu’à soixante-treize ans (et n’a cessé d’ailleurs de les retoucher jusqu’à sa mort). Mais il a su prendre, ou contre les atteintes de la vieillesse, ou pour que ces atteintes ne paraissent pas, une bien ingénieuse précaution. Il a écrit la quatrième partie, l’histoire de ses dernières années, avant d’écrire celle de sa carrière littéraire et politique… Pourquoi ? Il pensait que, de cette manière, il y avait plus de chances que les derniers livres des Mémoires, écrits avant la vieillesse et, à la différence des autres, sur des faits encore récents, laissassent le lecteur sur une impression de force et de vie. Si, plus tard, l’âge le trahissait dans la narration de la période médiane de son existence, cela se sentirait moins dans le courant de l’immense récit ; et, si la mort le venait prendre au milieu de sa tâche, l’œuvre du moins aurait le beau finale et les conclusions qu’il voulait. Et, puisqu’il est mort à quatre-vingts ans, il n’avait pas besoin de faire ces calculs : mais je suis persuadé qu’il les a faits, et que les Mémoires y ont gagné.

Maintenant, encore que les Mémoires soient presque partout délicieux ou magnifiques, les premiers livres ont gardé, je crois, un charme particulier. Ce coin de Bretagne, ces vieilles gens, ces vieilles mœurs, ce château de Combourg, cette enfance rêveuse et passionnée, il n’y a rien au-dessus de cela. Ces souvenirs lointains, c’est en même temps ce que l’auteur a peut-être le plus