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non point une immodestie égale. La principale vanité de Lamartine consiste à dire, comme Mascarille, que tout ce qu’il fait lui vient naturellement, qu’il improvise tout et que les vers ne sont pour lui qu’un divertissement. Je ne pense pas que Victor Hugo, dans son fond, ait été plus modeste que Chateaubriand : mais, en somme, il a plus de politesse. Il ne manque jamais d’employer les anciennes formules de modestie des hommes bien élevés (ce que Chateaubriand fait d’ailleurs aussi quelquefois). Dans ses préfaces, Hugo paraît plutôt orgueilleux que vaniteux ; il ne dit pas : « je », mais « on », « nous », « l’auteur », « le poète ». Il est surtout solennel et sibyllin. Sa principale vanité, c’est de se donner l’air d’un profond penseur ; c’est de dire, par exemple, dans la préface de la Légende des siècles : «… L’auteur, du reste, pour compléter ce qu’il a dit plus haut, ne voit aucune difficulté à faire entrevoir, dès à présent, qu’il a esquissé dans la solitude une sorte de poème d’une certaine étendue où se réverbère le problème unique, l’Être, sous sa triple face : l’Humanité, le Mal, l’Infini ; le progressif, le relatif, l’absolu ; en ce qu’on pourrait appeler trois chants : la Légende des siècles, la Fin de Satan, Dieu. » Voyez aussi les préfaces lourdement insensées de presque tous ses drames. Et nous savons bien que lui aussi est plein et débordant de lui-même : mais il se tient encore assez convenablement. Dans l’expression de son orgueil ou de