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la description de soi-même, chez les malades et les excessifs qui ont du génie, est d’un intérêt qui emporte tout. Et d’ailleurs, pour nous, sinon pour eux, le Rousseau des Confessions, le Chateaubriand des Mémoires sont des personnages aussi objectifs que ceux des poèmes, des drames ou des romans. Ou plutôt, quel personnage de roman ou de drame a la vie étendue, minutieuse et frémissante du héros des Confessions ou du héros des Mémoires d’outre-tombe ? Rousseau, c’est Saint-Preux total, et Chateaubriand, c’est René tout entier ; et c’est donc beaucoup plus et beaucoup mieux que René ou Saint-Preux, ou même qu’Hamlet ou qu’Oreste.

Or, en 1811[1], Chateaubriand, ayant fini d’écrire les ouvrages que lui imposait son rôle public, et de démontrer la vérité du christianisme par sa beauté, et sa beauté d’abord par un traité descriptif, puis par un poème en prose, comprit que ce qu’il avait désormais de mieux à faire, c’était d’écrire ce qui lui faisait le plus de plaisir, c’est-à-dire de se raconter, — à l’imitation de Jean-Jacques, qui avait été la grande admiration de sa jeunesse, et parce qu’il était, à bien des égards, de la même espèce que Jean-Jacques, et qu’on pourrait dire que, spirituellement, Jean-Jacques a eu Chateaubriand d’une jeune aristocrate (comme on pourrait dire, toujours

  1. Il a même commencé en 1803 (Lettre à Joubert)