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lui ni sans lui », disait Villèle. On prit pourtant le parti de gouverner sans lui. M. de Chateaubriand fut congédié brusquement et sans égards le 6 juin 1824. (Le prétexte de sa disgrâce fut, dit-il, de n’avoir pas soutenu une loi sur la réduction des rentes proposée par le gouvernement.)

Je ne dis pas, notez-le bien, que le roi n’ait pas été brutal et qu’il n’aurait pas dû ménager davantage un être, après tout, magnifique ; je ne dis pas que, si Chateaubriand avait eu le pouvoir un nombre suffisant d’années, il n’aurait pas fait de grandes choses. Il avait peut-être le génie de la politique, comme il le disait. Mais la secrète faiblesse d’âme qu’implique une vanité comme la sienne, fait qu’on n’en est pas sûr.

Il ressentit le coup avec une vivacité extrême. Il dit dans le Congrès de Vérone : « Sensible à l’affront, il nous était impossible d’oublier tout à fait que nous étions le restaurateur de la religion » (simplement) « et l’auteur du Génie du christianisme. » Et dans les Mémoires : «… On avait compté sur ma platitude, sur mes pleurnicheries, sur mon ambition de chien couchant, sur mon empressement à me déclarer moi-même coupable, à faire le pied de grue auprès de ceux qui m’avaient chassé : c’était mal me connaître. » Il enrage ouvertement et candidement. Et il rentre dans l’opposition (pour n’en plus sortir qu’un moment, pendant le ministère Martignac), et dans l’opposition « systématique » ; car, explique-t-il, l’opposition