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épicurien, il est royaliste avec un fond d’indiscipline incurable et tout en restant dans son cœur un individualiste forcené. Par une sorte de dilettantisme, il se montre plus « ultra » que les ultras, qu’il ne peut sentir. Toujours il choisit l’attitude qui plaît le plus à son imagination. Son criterium, nécessairement arbitraire, en politique comme en morale, c’est la beauté. Rayé par le duc de Richelieu de la liste des ministres d’État, il est obligé, dit-il, de vendre ses livres et sa maison de la Vallée-aux-Loups. Son opposition s’en fait plus acre. Il fonde le Conservateur, journal d’opposition ultra-royaliste. Il triomphe de l’assassinat du duc de Berry et écrit sur Decazes la phrase célèbre : « Les pieds lui ont glissé dans le sang. » Il dit dans les Mémoires : « J’étais devenu le maître politique de la France par mes propres forces. » Ce n’est qu’une de ces vanteries dont il est coutumier. Mais un des effets indirects du meurtre du duc de Berry fut de faire envoyer Chateaubriand à Berlin comme ambassadeur.

Il y resta un an à peu près. Il n’avait pas grand’chose à y faire. Toutefois il envoie beaucoup de dépêches diplomatiques, parce qu’il adore ça. Il dit dans les Mémoires, d’un ton impayable : « Vers le 13 de janvier (1821) j’ouvris le cours de mes dépêches avec le ministre des affaires étrangères. Mon esprit se plie facilement à ce genre de travail : pourquoi pas ? Dante, Arioste et Milton n’ont-ils pas aussi bien réussi en politique qu’en poésie ?