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s’il entre quelques soldats, ils sont invinciblement entraînés par l’attraction de ses aigles. Ses ennemis fascinés le cherchent et ne le voient pas ; il se cache dans sa gloire comme le lion du Sahara se cache dans les rayons du soleil pour se dérober aux regards des chasseurs éblouis. Enveloppés dans une trombe ardente, les fantômes sanglants d’Arcole, de Marengo, d’Austerlitz, d’Iéna… lui font un cortège avec un million de morts. Du sein de cette colonne de feu et de fumée sortent à l’entrée des villes quelques coups de trompette mêlés aux signaux du labarum tricolore ; et les portes des villes tombent. » (Ceci sera écrit après 1830.) L’imagination mise en branle par ce merveilleux, il se représente le vieux roi podagre attendant au milieu de sa capitale l’usurpateur reparu. « Le roi, se défendant dans son château, causera un enthousiasme universel… S’il doit mourir, qu’il meure digne de son rang ; que le dernier exploit de Napoléon soit l’égorgement d’un vieillard. Louis XVIII, en sacrifiant sa vie, gagnera la seule bataille qu’il aura livrée ; il la gagnera au profit de la liberté du genre humain. »

Mais le vieux roi entendait mal ces paroles sublimes. Il n’était pas séduit, comme Chateaubriand, par la beauté du tableau. Or, on n’aime pas ceux qui nous ont donné des conseils héroïques qu’on n’a pas suivis. À partir de là, Louis XVIII dut exécrer Chateaubriand. Et pourtant, assure celui-ci, « mon plan adopté, les étrangers n’auraient