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depuis vingt-cinq ans, devait tout à la Révolution et à l’Empire. La France avait adoré Napoléon avant de le subir, et beaucoup s’en souvenaient. Le comte de Provence, après Napoléon, même déchu, manquait évidemment de prestige. Chateaubriand dit, ici, ce qu’il y a de plus utile et de plus persuasif :

 (Un Français) ne sait ce que c’est qu’un empereur ; il ne connaît
 pas la nature, la forme, la limite du pouvoir attaché à ce titre
 étranger. Mais il sait ce que c’est qu’un monarque descendant
 de saint Louis et de Henri IV. C’est un chef dont la puissance
 paternelle est réglée par des institutions, tempérée par des
 mœurs, adoucie et rendue excellente par le temps, comme un vin
 généreux né de la terre.

Il dit encore très bien :

 Louis XVIII est un prince connu par ses lumières, inaccessible
 aux préjugés, étranger à la vengeance… Les institutions des
 peuples sont l’ouvrage du temps et de l’expérience ; pour régner,
 il faut surtout de la raison et de l’uniformité. Un prince qui
 n’aurait dans la tête que deux ou trois idées communes, mais
 utiles, serait un souverain plus convenable à une nation qu’un
 aventurier extraordinaire, enfantant sans cesse de nouveaux
 plans…

Et enfin il tirait obligeamment, de la personne physique de Louis XVIII, tout ce qu’un très grand artiste en pouvait tirer. Ces simples lignes me paraissent prodigieuses :

 (Compiègne, avril 1814). Le roi portait un habit bleu, distingué
 seulement par une plaque et des épaulettes ; ses