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les Aventures du dernier Abencérage. Je n’avais pas lu cela depuis quarante ans et je n’en avais gardé aucun souvenir. Et, en ouvrant ce petit livre, je me méfiais… Or cela m’a paru charmant. Est-ce parce que je l’ai relu un jour de soleil et en sortant de l’ennuyeux Itinéraire ? Cela ne ressemble plus du tout à Atala ni à René ; c’est un petit divertissement à part dans l’œuvre de Chateaubriand. Sans doute, madame de Noailles aimait ces chevaleries. On en trouve de telles dans Millevoye (Ballades et Romances). Les soldats de l’Empire et leurs femmes devaient les goûter beaucoup. Le colonel Fougas, dans l’Homme à l’oreille cassée, en est tout pénétré. C’est un mélange, grisant pour les belles âmes simples, de galanterie et d’honneur. C’est comme un développement du contenu secret des vers charmants de Zaïre :

 Des chevaliers français tel est le caractère,

Ou :

 Chrétien, je suis content de ton noble courage,
 Mais ton orgueil ici se serait-il flatté
 D’effacer Orosmane en générosité ?

L’Abencérage est le chef-d’œuvre du genre troubadour. La forme est brillante ; peut-être un peu sèche dans son élégance : elle semble, parce que l’auteur l’a voulu ainsi, plus ancienne que celle d’Atala. Mais que j’aime des phrases comme celles-ci :

… On sent que dans ce pays les tendres passions auraient