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expliquait chez Chateaubriand ces émotions, ces douleurs, ces exaltations, ces larmes, ce sérieux, cette solennité. Ce sentiment, c’est l’amour de la gloire. Après nous avoir raconté comment il appela Léonidas, et de toute sa force (et le voyez-vous poussant ce cri dans son costume de Tartarin, avec ses deux pistolets et son poignard à la ceinture et son fusil de chasse à la main ?), il ajoute : « Si des ruines où s’attachent des souvenirs illustres font bien voir la vanité de tout ici-bas, il faut pourtant convenir que les noms qui survivent à des empires et qui immortalisent des temps et des lieux sont quelque chose. Après tout, ne dédaignons pas trop la gloire : rien n’est plus beau qu’elle, si ce n’est la vertu. » L’amour de la gloire a été la plus forte passion de Chateaubriand. Et, comme il voulait la gloire pour soi, il la respectait, la prenait au sérieux chez les autres, et particulièrement chez les morts. Sans compter que, il y a cent ans, la gloire des Grecs et des Romains, rajeunie par la Révolution et l’Empire, était plus vivante dans les esprits. (Quand Chateaubriand vient à nommer Épaminondas et Philopœmen, il les appelle « ces grands hommes ». Je crois que nous ne le ferions plus à présent, parce que nous ne savons pas.)

Aujourd’hui, l’amour de la gloire est un sentiment beaucoup moins répandu. Même aux siècles où elle peut être acquise, elle est fort peu de chose. Ce n’est que la survivance, et très précaire et très intermittente,