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nous dit éloquemment pourquoi : «… Quand, en faisant des recherches, en compulsant les archives des municipalités, les registres des paroisses, je rencontrerais le nom de ma sœur, à quoi cela me servirait-il… ? Quel nomenclateur des ombres m’indiquerait la tombe effacée ? Ne pourrait-il pas se tromper de poussière ? Puisque le ciel l’a voulu, que Lucile soit à jamais perdue ! » Il trouve cela très bien, très original. Plus loin, il l’appelle cette « sainte de génie » et dit qu’il n’a pas été un seul jour sans la pleurer. Il est possible, quoique, vers la fin, il dût en avoir assez de cette folle.

En tout cas, il a bien fait de la pleurer. Car il me paraît de plus en plus que c’est Lucile, la jolie Bretonne neurasthénique, qui, après Amélie, lui a légué Velléda. Il a vu Lucile dans le même décor, à peu près, où il place la petite druidesse «… Elle me prit par la main, et me conduisit sur la pointe la plus élevée du dernier rocher druidique… Velléda tressaille, étend les bras, s’écrie : on m’attend ! Et elle s’élançait dans les flots. Je la retins par son voile… » Les étangs de Combourg ont fort bien pu voir quelque scène de ce genre, au temps où le frère et la sœur s’enivraient ensemble de solitude et de la pensée de la mort, peut-être le même jour où René jouait au suicide avec son vieux fusil à la détente usée.

Après cela, et après le dixième livre, les Martyrs m’ont semblé assez ennuyeux. Ces voyages, ces descriptions éternelles ! Ces anachronismes si ingénieux