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Dans les premières conversations d’Eudore et de Cymodocée, l’impression est curieuse. Elle le prend pour le chasseur Endymion, ou pour un Dieu. Il lui répond : « Il n’y a qu’un Dieu, maître de l’univers. » Elle lui dit : « Je suis fille d’Homère aux chants immortels. » Il lui répond : « Je connais un plus beau livre que le sien. » Elle « hasarde quelques mots sur les charmes de la Nuit sacrée. » Il lui répond : « Je ne vois que des astres, qui racontent la gloire du Très-Haut. » Bref, si j’ose dire, il la « colle » tout le temps, mais c’est Cymodocée que nous aimons… Quand, au livre II, elle chante en s’accompagnant de la lyre et que les chrétiens, l’ayant entendue, gardent le silence et « ne lui donnent point les éloges qu’elle semble mériter », nous avons envie de dire : « Les pauvres gens ! » Seul, le mysticisme chrétien peut être plus beau que le naturalisme païen : et ce mysticisme est absent des Martyrs, parce que Chateaubriand ne l’eut jamais en lui. Je me trompe fort, ou nulle part ne se trouvent exprimées, — sauf la pudeur et la charité, qui encore n’étaient point ignorées des païens, — les nouveautés dont l’âme humaine fut redevable au christianisme. J’écrivais jadis :

… La foi chrétienne, en se mêlant à toutes les passions humaines, les a compliquées et agrandies par l’idée de l’au delà et par l’attente ou la crainte des choses d’outre-tombe. La pensée de l’autre vie a changé l’aspect de celle-ci, provoqué des sacrifices