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politique (avec M. de Malesherbes) : les sentiments généreux du fond de nos premiers troubles allaient à l’indépendance de mon caractère, l’antipathie naturelle que je ressentais pour la cour ajoutait force à ce penchant. »

Mais le monde littéraire l’attire. Il débute dans l’Almanach des Muses ; mon Dieu, oui. Il fréquente Parny, Ginguené, Flins, Le Brun, La Harpe, Chamfort, et son futur grand ami, et qui lui sera si bienfaisant et si fidèle, Fontanes. De quelques-uns de ces écrivains, il trace, trente ans après, des portraits fort pittoresques et malveillants : c’est qu’alors il les juge avec une autre âme, avec ce que les événements lui ont appris, et du rang où il s’est placé.

Voici, par exemple, comment, en 1820, il juge Chamfort : « Atteint de la maladie qui a fait les jacobins, il ne pouvait pardonner aux hommes le hasard de sa naissance… Quand il vit que sous la Révolution il n’arrivait à rien, il tourna contre lui-même les mains qu’il avait levées contre la société. Le bonnet rouge ne parut plus à son orgueil qu’une autre espèce de couronne, le sans-culottisme qu’une sorte de noblesse, dont les Marat et les Robespierre étaient les grands seigneurs. Furieux de retrouver l’inégalité des rangs jusque dans le monde des douleurs et des larmes, condamné à n’être encore que vilain dans la féodalité des bourreaux, il se voulut tuer pour échapper aux supériorités du crime… »