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épique. Il était extrêmement respectueux des machines du Tasse, de Milton et de Klopstock. Dans les Natchez déjà, avec une candeur magnifique, il avait fait du « merveilleux chrétien », et le ridicule de ce merveilleux lui avait apparemment échappé. Et c’est pourquoi, après la Pucelle de Chapelain et après la Henriade de Voltaire, il écrivit les Martyrs, c’est-à-dire une épopée chrétienne, avec enfer et ciel, anges et démons ; et il la fit en prose (et tout de même il eut raison puisqu’il était prosateur), — dans une prose rythmée et colorée qui est souvent celle d’un noble récit historique, mais où les tableaux de diables et d’anges font des discordances un peu pénibles.

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« Le Génie du christianisme m’inspira de faire la preuve de cet ouvrage. » Quelle preuve ? La preuve que le merveilleux chrétien est supérieur au merveilleux païen, et que le christianisme a enrichi l’âme humaine. Les deux religions, la païenne et la chrétienne, devaient donc être mises en présence, et pour cela la meilleure époque était évidemment celle où les deux religions se partageaient le monde, c’est-à-dire le commencement du quatrième siècle. Il fallait inventer, dans l’histoire générale, une histoire particulière. Une histoire d’amour, bien entendu : car il n’y en a pas d’autres, ou toutes les autres se ramènent à celle-là. Un païen amoureux d’une chrétienne ou un chrétien amoureux d’une païenne. Chateaubriand a préféré la seconde donnée,