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de sa folie ». Morceau de rhétorique, mais ardente vers la fin, et mélangée de quelques traits plus précis : « Mes yeux se creusaient, je maigrissais, je ne dormais plus ; j’étais distrait, triste, ardent, farouche. Mes jours s’écoulaient d’une manière sauvage, bizarre, insensée, et pourtant pleine de délices. » Il nous dit aussi que sa ferveur religieuse se ralentit alors ; et je le crois sans peine.

À Combourg, où il a presque toujours passé ses vacances, il fait, ses premières études finies, un séjour un peu long. Combourg est un sombre château féodal parmi des étangs et des landes. Combourg est lugubre, mais d’un grand aspect et qui tout de même le remplit d’orgueil. Les soirs d’hiver, après le souper, dans la grande salle éclairée d’une seule chandelle, pendant que le père maniaque fait invariablement les cent pas, la mère et les enfants demeurent silencieux devant la vaste cheminée ; puis le chevalier va se coucher dans un donjon isolé, où « il ne perd pas un murmure des ténèbres ». Mais, le jour, il fait ce qu’il veut, et, pour se consoler, il a ses quatre sœurs et surtout Lucile.

Lucile est une étrange fille, belle, pâle, avec « quelque chose de rêveur et de souffrant ». « Tout lui était souci, chagrin, blessure… À dix-sept ans, elle déplorait la perte de ses jeunes années… Elle avait des songes prophétiques. » Tous deux font ensemble d’interminables promenades et s’échauffent sur la littérature. Ils traduisent