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un assentiment en bloc (chose infiniment commode), un mouvement du cœur, un acte de la volonté… Donc, Biré a raison, l’abbé Pailhès a raison, l’abbé Bertrin a raison, M. Victor Giraud a raison : Chateaubriand avait la foi.

Et maintenant que je suis plus tranquille, m’étant assuré que la foi « implicite » de Chateaubriand vaut aux yeux de l’Église, le livre lui-même précisera pour nous l’allure et le caractère de cette foi.

Au deuxième chapitre du livre II, il a tout justement à définir la foi, c’est-à-dire la première des vertus théologales. Or, tout de suite, il confond la foi avec la conviction et la confiance. Il nous dit : « Colomb s’obstine à croire un nouvel univers. » « L’amitié, le patriotisme, l’amour… sont une espèce de foi. » « C’est parce qu’ils ont cru que les Codrus, les Pylade, les Régulus… ont fait des prodiges. » Comme si la croyance aux destinées de la patrie, ou la confiance aux vertus d’un ami, ou la persuasion (avant la découverte) que le nouveau monde existe, etc…, c’est-à-dire, en somme, la croyance à des objets dont l’existence peut être vérifiée, avaient quelque chose de commun avec la foi aux mystères de la Trinité, de la Chute, de l’Incarnation, de la Rédemption !

Et justement un abus de mots tout pareil aide Chateaubriand à « faire passer » les mystères, si j’ose m’exprimer ainsi. « Il n’est, dit-il, rien de beau, de doux, de grand dans la vie que les choses mystérieuses.