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les passions mêmes. Il faut lire sa résistance délirante, un jour qu’il a été condamné à recevoir le fouet : « L’idée de la honte n’avait point approché de mon éducation sauvage : à tous les âges de ma vie, il n’y a point de supplice que je n’eusse préféré à l’horreur d’avoir à rougir devant une créature vivante. » Chez lui, ce que j’appellerai la crise de la première communion et ensuite la crise de la puberté furent d’une extrême violence. Je ne sais ce qu’il avait caché en confession ; sûrement autre chose qu’une désobéissance ou un larcin de confiture. Le prêtre le devine et insiste ; l’enfant avoue… « Je n’aurai jamais un tel moment dans ma vie… Je sanglotais de bonheur. » Or, cette même année, le hasard avait fait tomber entre ses mains un Horace complet. En outre, il dérobe un Tibulle. Le quatrième livre de l’Enéide et le sixième de Télémaque le troublent plus que de raison. Des sermons mêmes de Massillon sur la Pécheresse et sur l’Enfant prodigue, il tirait des émotions sensuelles.

Et bientôt, revenu à Combourg, ce sont des songeries ardentes, et des courses folles dans les bois. «… J’entrevis que d’aimer et d’être aimé d’une manière qui m’était inconnue devait être la félicité suprême… Je me composai une femme de toutes les femmes que j’avais vues… » C’est ici que se place le développement fameux sur la « sylphide », le fantôme d’amour, sur la « charmeresse qui le suit partout » et qui « varie au gré