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pied par la barrière de l’Étoile et les Champs-Élysées. Paris avait l’air d’une ville en ruines semée de bastringues, un air sinistre et fou. Chateaubriand était d’ailleurs devenu Anglais de manières et, « jusqu’à un certain point, de pensée ». Mais il retrouve Fontanes et rencontre Joubert. Et peu à peu il goûte la sociabilité française, « ce commerce charmant, facile et rapide des intelligences, cette absence de toute morgue et de tout préjugé ». Il goûte le pittoresque moral et le pêle-mêle de cette société, qui commence pourtant à se réorganiser. Il partage cette ivresse de vivre dont tout le monde était saisi après de tels bouleversements. Il n’a pas le sou, il emprunte pour vivre, mais il déborde d’espérance. Il travaille avec une allègre fureur. Je ne pense pas qu’il ait beaucoup souffert, à ce moment-là, du mal de René.

On sait, dans le Paris de l’ancienne France et des rapatriés, qu’il compose son grand ouvrage. Il n’est point malhabile, oh non ! À propos du livre de madame de Staël, De la littérature dans ses rapports avec la morale, il publie dans le Mercure de France une Lettre à M. de Fontanes où il montre que c’est au christianisme, non à la philosophie, que nous devons une plus grande connaissance des passions humaines. On lit dans le préambule de cette lettre : «… Je m’enhardis en songeant avec quelle indulgence vous avez déjà annoncé mon ouvrage. Mais cet ouvrage, quand paraîtra-t-il ? Il y a deux ans qu’on l’imprime, et il y a deux ans que le libraire ne