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avoir cité cette lettre au livre IX des Mémoires, il écrit effrontément (1822) : « Ah ! que n’ai-je suivi le conseil de ma sœur ! Pourquoi ai-je continué d’écrire ? Mes écrits de moins dans mon siècle, y aurait-il eu quelque chose de changé aux événements et à l’esprit de ce siècle ? » Si on lui avait répondu que non, il aurait été bien étonné.

Il continue : « Je jetai au feu avec horreur les exemplaires de l’Essai, comme l’instrument de mon crime. Je ne me remis de ce trouble que lorsque la pensée m’arriva d’expier mon premier ouvrage par un ouvrage religieux : telle fut l’origine du Génie du christianisme ». (Une des origines, oui, il est possible.)

Et il rappelle la première préface du livre :

 Ma mère, après avoir été jetée à soixante-douze ans dans
 les cachots où elle vit périr une partie de ses enfants, expira
 enfin sur un grabat, où ses malheurs l’avaient reléguée. Le
 souvenir de mes égarements répandit sur ses derniers jours une
 grande amertume ; elle chargea en mourant une de mes sœurs de me
 rappeler à cette religion dans laquelle j’avais été élevé.
 Ma sœur me manda le dernier vœu de ma mère. Quand la lettre
 me parvint au delà des mers (« au delà des mers » veut
 dire simplement « de l’autre côté de la Manche »), ma sœur
 elle-même n’existait plus : elle était morte aussi des suites de
 son emprisonnement. Ces deux voix sorties du tombeau, cette mort
 qui servait d’interprète à la mort m’ont frappé. Je suis
 devenu chrétien. Je n’ai pas cédé, j’en conviens, à de grandes
 lumières surnaturelles : ma conviction est sortie du cœur ; j’ai
 pleuré et j’ai cru.