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chagrins, au lieu de s’affaiblir par le temps, semblait s’accroître. »

 Les déserts n’avaient pas plus satisfait René que le monde, et
 dans l’insatiabilité de ses vagues désirs, il avait déjà tari
 la solitude, comme il avait épuisé la société. Personnage
 immobile au milieu de tant de personnages en mouvement, centre
 de mille passions qu’il ne partageait point, objet de toutes les
 pensées par des raisons diverses, le frère d’Amélie devenait
 la cause invisible de tout : aimer et souffrir était la double
 fatalité qu’il imposait à quiconque s’approchait de sa personne.
 Jeté dans le monde comme un grand malheur, sa pernicieuse
 influence s’étendait aux êtres environnants : c’est ainsi qu’il
 y a de beaux arbres sous lesquels on ne peut s’asseoir et respirer
 sans mourir.

Et voilà certes un rôle déplorable, mais avantageux.

Quand René demande à Adario la main de Céluta qu’il n’aime point, « elle sentit qu’elle allait tomber dans le sein de cet homme comme on tombe dans un abîme. » Quel homme !

Et quand il a épousé Céluta :

 Les regards distraits du frère d’Amélie se promenaient sur la
 solitude : son bonheur ressemblait à du repentir. René avait
 désiré un désert, une femme et la liberté : il possédait tout
 cela et quelque chose gâtait cette possession… Il essaya de
 réaliser ses anciennes chimères : quelle femme était plus
 belle que Céluta ? Il l’emmena au fond des forêts et promena son
 indépendance de solitude en solitude ; mais quand il avait pressé
 sa jeune épouse contre son sein au milieu des précipices,