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de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers

 ces régions inconnues, que ton cœur demande. »
 Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans
 les espaces d’une autre vie ! Ainsi disant, je marchais à grands
 pas, le visage enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure,
 ne sentant ni pluie ni frimas, enchanté, tourmenté, et comme
 possédé par le démon de mon cœur.

(Notez que les fameux « orages désirés », que l’on cite toujours, et qui semblent désigner les orages de la passion, ne signifient ici que le « vent de la mort ». Heureuse impropriété !)

Mais avec tout cela, René, dans René, n’est encore qu’un rêveur mélancolique. Ses rêveries sont exactement celles de Lamartine dans l’Isolement, le Vallon et l’Automne. C’est dans les Natchez que le caractère de René s’approfondit et s’achève. Il y devient, — avec le Saint-Preux de Jean-Jacques et plus que Saint-Preux, — le type même du personnage romantique.

Son aventure sentimentale lui a semblé si extraordinaire qu’il s’est considéré comme marqué à jamais pour une destinée unique. Il lui a paru que l’amour d’Amélie exigeait qu’il fût somptueusement amer et désespéré jusqu’à la mort, et qu’en attendant, persuadé de la supériorité de l’homme de la nature sur l’homme de la société, il se fît simplement Peau-Rouge.

Là, il avait cru oublier : mais « le souvenir de ses