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puis au pays d’Ossian. On le retrouve en Italie, puis en Sicile, au sommet de l’Etna. Finalement, qu’a-t-il appris avec tant de fatigue ? « Rien de certain parmi les anciens, rien de beau parmi les modernes. » Alors il invoque les bons sauvages, en disciple encore fidèle de Rousseau (et ce passage doit donc appartenir à la première rédaction de René) : « Heureux sauvages ! Oh ! que ne puis-je jouir de la paix qui vous accompagne toujours ! etc… » Ensuite, il s’avise de vivre retiré dans un faubourg ; puis il croit que les bois lui seraient délicieux. Mais il est malheureux partout. « Hélas ! je cherche un bien inconnu dont l’instinct me poursuit. Est-ce ma faute si je trouve partout des bornes, et si ce qui est fini n’a pour moi aucune valeur ? » Il est « seul sur la terre ». Une « langueur secrète » s’empare de lui. Il « ne s’aperçoit plus de son existence que par un profond sentiment d’ennui. » « Enfin, ne pouvant trouver de remède à cette étrange blessure de mon cœur, qui n’était nulle part et qui était partout ( ?), je résolus de quitter la vie. »

Tout cela, en somme, était connu, et très connu, au temps où Chateaubriand écrivait René. Il nous en avertit lui-même (Défense du Génie du christianisme) : « C’est Jean-Jacques Rousseau qui introduisit le premier parmi nous ces rêveries si désastreuses et si coupables… Le roman de Werther a développé depuis ce genre de poison. » Qu’est-ce donc que René a ajouté à Werther ? Rien du tout. Il