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de son père, l’indifférence de sa mère et un « secret instinct » qui l’avertissait qu’il ne trouverait rien de ce qu’il cherchait dans le monde. Ainsi, des mois de rêveries exaltées avec Lucile ; puis, tout d’un coup, tentative de suicide. À la suite de cela, il est, dit-il, malade pendant six semaines ; et aussitôt guéri, cette sœur qu’il adorait, il demande lui-même à la quitter, et déclare qu’il veut aller au Canada défricher des forêts, tout comme le René de la nouvelle après la scène de l’église. Et, comme le René de René, le René des Natchez continuera d’être évidemment Chateaubriand lui-même.

Bref (et je ne dis rien de plus), Chateaubriand a fait tout ce qui était en lui pour que nous pussions supposer, par le rapprochement du texte de René et des Natchez et de celui des Mémoires, qu’il inspira une grande passion à sa sœur Lucile, un peu plus âgée que lui (charmante, mais mal équilibrée), et qu’il en fut lui-même fort troublé, comme l’indique ce qu’il fait dire à René par le Père Souël : « Votre sœur a expié sa faute ; mais, s’il faut dire ici ma pensée, je crains que, par une épouvantable justice, un aveu sorti du sein de la tombe n’ait troublé votre âme à son tour. » Notez enfin que, après le voyage au Canada, c’est Lucile qui marie son frère. N’est-ce point pour se protéger elle-même ?

Mais pourquoi Chateaubriand a-t-il tant tenu à nous faire deviner son secret, à nous suggérer l’idée qu’