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René) rappelle « les roseaux qui agitaient leurs champs de quenouilles et de glaives » (Mémoires). Les promenades du frère et de la sœur sont les mêmes ici et là. Il est sensible que, ici et là, c’est la même histoire qu’il raconte, avec les mêmes souvenirs[1].

Lucile, dans les Mémoires, n’entre point, comme Amélie, au couvent. Mais « il lui prenait des accès de pensées noires que j’avais peine à dissiper : à dix-sept ans, elle déplorait la perte de ses jeunes années ; elle se voulait ensevelir dans un cloître. » Et sans doute, dans les Mémoires, il n’indique pas que Lucile ait été amoureuse de lui, ni qu’il s’en soit aperçu. Mais cependant faites attention à ceci : tout de suite après nous avoir peint leur vie en pleine solitude et après nous avoir dit : « Lucile était malheureuse », il raconte qu’il a tenté de se suicider, — avec un fort mauvais fusil, il est vrai. — Pourquoi ? Il n’en donne d’autre raison que la dureté

  1. On me communique une lettre de Louis de Chateaubriand, neveu de Chateaubriand, datée du 10 octobre 1848 et adressée à Mme de Marigny, et où je lis ceci :

    « Ce qui, dans ce que je connaissais de l’ouvrage (les Mémoires d’Outre-Tombe) m’affligeait le plus, était ce qui concernait ma tante Lucile. J’étais si fortement inquiet à cet égard que je lui en ai écrit il y a quelques années pour lui exprimer que le tableau que son imagination traçait compromettrait une sœur très pure. Il m’a demandé, lorsqu’il m’a revu le lendemain si j’étais devenu fou, m’assurant qu’il n’y avait rien dans ses écrits qui fût de nature à donner atteinte à la pureté de sa sœur et à la sienne… Cependant j’étais toujours inquiet… des jugements de Dieu sur lui à cet égard… »