Page:Lemaître - Chateaubriand, 1912.djvu/115

Cette page n’a pas encore été corrigée

champs. Appuyé

 contre le tronc d’un ormeau, j’écoutais en silence le pieux
 murmure. Chaque frémissement de l’airain portait à mon
 âme naïve l’innocence des mœurs champêtres, le calme de la
 solitude, le charme de la religion, et la délectable mélancolie
 des souvenirs de la première enfance. Oh ! quel cœur si mal fait
 n’a tressailli au bruit des cloches de son lieu natal !…

Et cela continue sur ce ton… Cela ne saurait se comparer à Atala ni aux bons endroits des Natchez. Pas une expression trouvée (sauf « collines pluvieuses »), pas un trait qui enfonce. Cela pourrait être de n’importe qui. Tout le monde écrivait comme cela avant la Révolution. Si nous ne savions pas que cela est de Chateaubriand, cela nous paraîtrait assez ordinaire. Et voilà pourquoi je pense que ces pages du début de René sont les restes d’une première rédaction presque enfantine que l’écrivain a voulu conserver en souvenir de son adolescence, et comme « porte-bonheur », et parce que, en somme, elles sont harmonieuses.

2° Si nous ne connaissions pas Lucile et si nous n’avions pas lu les Mémoires d’outre-tombe, nous pourrions croire qu’en effet Chateaubriand a voulu écrire, dans René, une nouvelle chrétienne, et que l’histoire de l’amour de la sœur pour le frère lui a été suggérée par la Bible ou la mythologie. Mais Amnon ni Thamar, Érope ni Thyeste n’y sont pour rien. Nous savons par les Mémoires que l’histoire de René, sauf la scène de l’église, est l’histoire de Chateaubriand