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note) que l’histoire de René était originairement placée dans le cours du roman. Mais il a oublié que, dans ce cas, il ne pouvait pas appeler René, dès le commencement, le « frère d’Amélie ». Je ne serais pas éloigné de croire que René a été d’abord crayonné par Chateaubriand dans les bois de Combourg, avant son départ pour le régiment.

Au reste, il me semble bien avoir gardé quelque chose de cette première rédaction. Sauf un petit nombre de traits (sans doute rajoutés) et sauf trois pages, vraiment belles, vers le milieu du récit, le style de René me paraît plus ancien, plus rapproché du style habituel de la seconde moitié du dix-huitième siècle, plus dépourvu d’images inventées, moins original enfin que celui des Natchez.

Écoutez ceci :

… Tantôt nous marchions en silence, prêtant l’oreille au sourd
 mugissement de l’automne, ou au bruit des feuilles séchées que
 nous traînions tristement sur nos pas ; tantôt, dans nos jeux
 innocents, nous poursuivions l’hirondelle dans la prairie,
 l’arc-en-ciel sur les collines pluvieuses ; quelquefois aussi
 nous murmurions des vers que nous inspirait le spectacle de la
 nature. Jeune, je cultivais les muses ; il n’y a rien de plus
 poétique, dans la fraîcheur de ses passions, qu’un cœur de
 seize années. Le matin de la vie est comme le matin du jour,
 plein de pureté, d’images et d’harmonie.
 Les dimanches et les jours de fête, j’ai souvent entendu dans
 les grands bois, à travers les arbres, les sons de la cloche
 lointaine qui appelait au temple l’homme des