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vierge des dernières amours. Es-tu chrétien ? » Je

 répondis que je n’avais point trahi les génies de ma cabane. À
 ces mots, l’Indienne eut un mouvement involontaire. Elle me dit :
 « Je te plains de n’être qu’un méchant idolâtre. Ma mère
 m’a faite chrétienne ; je me nomme Atala, fille de Simaghan aux
 bracelets d’or et chef des guerriers de cette troupe. Nous nous
 rendons à Apalachucla, où tu seras brûlé. » En prononçant ces
 mots, Atala se lève et s’éloigne.

Plus loin :

 Ces mots attendrirent Atala. Ses larmes tombèrent dans la
 fontaine. « Ah ! repris-je avec vivacité, si votre cœur parlait
 comme le mien ! Le désert n’est-il pas libre ?… Ô fille plus
 belle que le premier songe de l’époux ! ô ma bien-aimée, ose
 suivre mes pas… » Atala me répondit d’une voix tendre : « Mon
 jeune ami, vous avez appris le langage des blancs ; il est aisé
 de tromper une Indienne. — Quoi ! m’écriai-je, vous m’appelez votre
 jeune ami. Ah ! si un pauvre esclave… — Eh bien, dit-elle en se
 penchant sur moi, un pauvre esclave… » Je repris avec ardeur :
 « Qu’un baiser l’assure de ta foi ! » Atala écouta ma prière.
 Comme un faon semble pendu aux fleurs de lianes roses, qu’il
 saisit de sa langue délicate dans l’escarpement de la montagne,
 ainsi je restais suspendu aux lèvres de ma bien-aimée.

Ou bien encore, écoutez ces phrases :

… Des serpents verts, des hérons bleus, des flamants roses,
 de jeunes crocodiles s’embarquent passagers sur ces vaisseaux
 de fleurs, et la colonie, déployant au vent ses voiles d’or, va
 aborder endormie dans quelque anse retirée du fleuve…