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sympathie de Chateaubriand pour ces Peaux-Rouges aux profils de vieilles femmes (braves, mais si cruels et si vilainement tatoués) ; mais en réalité ces Peaux-Rouges ne nous apparaissent pas un seul moment comme des Peaux-Rouges. Atala, d’ailleurs, « pas plus que Chactas, n’a une physionomie une et reconnaissable. C’est un mélange d’impressions, d’observations déjà raffinées et de sentiments qui veulent être primitifs » (Sainte-Beuve). « Ils sont trop civilisés pour des sauvages ; leur langage mêle constamment et sans aucune mesure la naïveté des races primitives aux idées abstraites et générales des Européens du dix-neuvième siècle » (Vinet). Sans compter une « couleur locale vraiment trop faite exprès ». Oui, Sainte-Beuve a raison, Vinet a raison ; je dirai même : quand on lit les critiques du sec et spirituel abbé Morellet, on trouve que, les trois quarts du temps, l’abbé Morellet a raison. Seulement…

Seulement, écoutez ceci :

 Tout à coup, j’entendis le murmure d’un vêtement sur l’herbe et
 une femme, à demi voilée, vint s’asseoir à mes côtés… Je
 crus que c’était la vierge des dernières amours, cette vierge
 qu’on envoie au prisonnier de guerre pour enchanter sa tombe. Dans
 cette persuasion, je lui dis en balbutiant et avec un trouble qui,
 pourtant, ne venait pas de la crainte du bûcher : « Vierge, vous
 êtes digne des premières amours, et vous n’êtes pas faite pour
 les dernières… Comment mêler la mort et la vie ? Vous me feriez
 trop regretter le jour… » La jeune fille me dit alors : « Je ne
 suis point la