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sans l’ombre d’effort ! « Je la perdis, je reçus d’elle des marques d’amour au moment même qu’elle expirait. Je demeurai deux jours et deux nuits avec la bouche attachée sur le visage et sur les mains de ma chère Manon… J’ouvris une large fosse, j’y plaçai l’idole de mon cœur… Je me couchai ensuite sur la fosse, le visage tourné vers le sable, et fermant les yeux avec le dessein de ne les ouvrir jamais. »)

Chateaubriand dit qu’Atala « sort de toutes les routes connues ». Il faut s’entendre. L’histoire d’Atala n’est peut-être pas, en soi, une merveille d’invention. Dans les ennuyeux Incas de Marmontel, aux chapitres XXVII et XXVIII, l’Espagnol Alonzo s’éprend de Cora, l’une des vierges sacrées qui vivent dans le temple du soleil. Et Cora aime aussi Alonzo. Alonzo enlève Cora à la faveur du désordre que répand dans le temple l’éruption du volcan de Quito. Les deux jeunes gens fuient ensemble, comme Chactas et Atala. Ils mangent des choses très exotiques, « le doux savinte, la palta, la moelle du coco ». Lorsque Cora s’est donnée, elle est dévorée de remords, car elle était, comme Atala, tenue par un vœu : « Délices de mon âme, mon cher Alonzo… un devoir sacré, un devoir terrible m’enchaîne… Voici le moment d’un éternel adieu… En me dévouant aux autels, mes parents répondirent de ma fidélité. Le sang d’un père, d’une mère, est garant des vœux que j’ai faits. Fugitive et parjure, je les livrerais au supplice : mon crime retomberait