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tout un superbe caneton, mais un vilain petit animal, avec un cou trop long, un corps trop gros, et qui marchait les pattes en dedans, sans aucune élégance. Les onze frères et sœurs se moquaient de lui, et la mère elle-même, quand elle conduisait ses enfants à la mare, avait honte de lui parce que tout le monde disait sur son passage :

« Oh ! voyez donc ce vilain petit canard ! »

Personne ne voulait jouer avec lui, et le pauvre petit fut bien malheureux. Il tendait son cou trop long vers le ciel comme pour dire : « Ah ! pourquoi suis-je né ? » ou bien, le rabattant tristement le long de son corps, il restait à rêver dans un coin.

Un jour que les autres l’avaient houspillé plus que de coutume, il prit le parti de quitter sa famille. Il marcha longtemps devant lui et arriva près d’un lac où nageaient des cygnes.

« Ah ! dit le vilain petit canard, que ces oiseaux sont beaux ! Pour sûr ils me chasseront, car je suis trop laid. »

Et il se disposait à se retirer, lorsqu’une grand’mère cygne, qui se reposait sur la rive, l’interpella :

« Hep ! mon enfant, d’où viens-tu et comment t’appelles-tu ?

— Je viens de la basse-cour, madame, et je m’appelle canard. Je suis parti parce que mes camarades me trouvent trop laid et ne veulent pas jouer avec moi.

— Pauvre petit ! dit la mère-grand. Le fait est que tu n’es pas bien joli, mais cela vient de ce que tu es