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estant prises pour une meme chose, on a conclu que la quantité de mouvement se conservoit. Ce qui a contribué le plus à confondre la Force avec la Quantité de Mouvement, est l’abus de la Doctrine Statique. Car on trouve dans la Statique, que deux corps sont en équilibre, lorsqu’en vertu de leur situation leur vistesses sont réciproques à leur masses ou poids, ou quand ils ont la même quantité de mouvement.

Mais il faut savoir que cette egalité de la Force en ce cas vient d’un autre principe, car generalement la Force absolue doit estre estimée par l’effect violent qu’elle peut produire. J’appelle l’Effect violent qui consume la Force de l’agent, comme par exemple donner une telle vitesse à un corps donné, elever un tel corps à une telle hauteur etc. Et on peut estimer commodement la force d’un corps pesant par le produit de la masse ou de la pesanteur multipliée par la hauteur à la quelle le corps pourroit monter en vertu de son mouvement. Or deux corps estant en equilibre, leur hauteurs aux quelles ils pourvoient monter ou dont ils pourvoient descendre sont réciproques à leur poids, ou bien les produits des hauteurs par les poids sont égaux. Et il arrive seulement dans le cas de l’Equilibre ou de la Force morte, que les hauteurs sont comme les vistesses, et qu’ainsi les produits des poids par les vîstesses sont comme les produits des poids par les hauteurs.[1] Cela dis-je arrive seulement dans le cas de la Force morte, ou du Mouvement infiniment petit, que j’ay coustumé d’appeller Solicitation, qui a lieu lorsqu’un corps pesant tache à commencer le mouvement, et n’a pas encor conçu aucune impétuosité ; et cela arrive justement quand les corps sont dans l’Equilibre, et tachant de descendre s’empêchent mutuellement. Mais quand un corps pesant a fait du progrès en descendant librement, et a conçu de l’impétuosité ou de la Force vive, alors les hauteurs aux quelles ce corps pourroit arriver, ne sont point

  1. *) Am Rande des Manuscripts hat Leibniz bemerkt : Ainsi il est estonnant que M. des Cartes a si bien évité l’ecueil de la vistesse prise pour la force, dans son petit traité de Statique ou de la Force morte, où il y avoit aucun danger, ayant tout réduit aux poids et hauteurs, quand cela estoit indifferent, et qu’il a abandonné les hauteurs pour les vistesses dans le cas où il falloit faire tout le contraire, c’est à dire quand il s’agit des percussions ou forces vives qui se doivent mesurer par les poids et les hauteurs.