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grandes et belles loix que son Auteur infiniment sage s’est proposé, parmy lesquelles ne sont pas les moindres, ces deux Loix de la Nature que j’ay fait connoistre le premier, dont la première est la loy de la conservation de la force absolue ou de l’action motrice dans l’univers avec quelques autres conservations absolues nouvelles qui en dependent et que j’expliqueray un jour, et la seconde est la loy de la continuité, en vertu de laquelle entre autres effects, tout changement doit arriver par des passages inassignables et jamais par saut. Ce qui fait aussi que la nature ne souffre point de corps durs non-elastiques. Pour monstrer cela, feignons qu’un globe dur non-elastique aille choquer un globe pareil en repos : apres le choc il faut ou que les deux globes se reposent, en quel cas la loy de la conservation de la force seroit violée, ou qu’il y ait du mouvement et que le globe qui estoit en repos en reçoive, ne pouvant pas estre pris pour inebranslable, quoyque quand même on le feindroit tel, il faudroit que le choquant (pour conserver la force) reflechist tout d’un coup en arrière. Ce qui est un changement défendu, puisqu’il se feroit par saut, un corps qui va d’un certain costé devant affoiblir son mouvement jusqu’au repos avant que de commencer d’aller peu à peu de plus en plus en arrière. Mais le globe choqué devant recevoir du mouvement, il y aura encor un changement par saut, le globe choqué qui estoit en repos devant recevoir un certain degré de vitesse tout d’un coup, n’estant point pliable pour la recevoir peu à peu et par degrés. Estant manifeste aussi qu’il faut ou que le globe choquant passe tout d’un coup au repos, ce qui seroit déjà un changement par saut, ou que si ce globe choquant retient une certaine vistesse, le globe choqué qui estoit en repos en reçoive une tout d’un coup qui ne soit pas moindre que celle du choquant, puisque le choqué doit ou arrester le choquant, ou aller devant luy. Ainsi le choquant passe tout d’un coup de la vistesse au repos, ou du moins le choqué passe tout d’un coup du repos à un certain degré de vistesse, sans passer par les degrés moyens ; ce qui est contraire à la loy de la continuité, qui n’admet aucun changement par saut dons la nature. J’ai encor bien d’autres raisons qui concourent toutes à bannir les corps durs non-elastiques, mais ce n’est pas icy le lieu de s’étendre la dessus.

Cependant il faut avouer, quoyque les corps doivent estre