Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/450

Cette page n’a pas encore été corrigée

n’avons aucun moyen de parvenir à la certitude sur le point dont il s’agit, ce qu’on prend pour une absurdité. Cet argument est bon en certain cas, comme si quelqu’un voulait mer les vérités primitives et immédiates, par exemple, que rien ne peut être et n’être pas en même temps, car s’il avait raison il n’y aurait aucun moyen de connaître quoi que ce soit. Mais quand on s’est fait certains principes et quand on les veut soutenir, parce qu’autrement tout le système de quelque doctrine reçue tomberait, l’argument n’est point décisif ; car il faut distinguer entre ce qui est nécessaire pour soutenir nos connaissances, et entre ce qui sert de fondement à nos doctrines reçues ou à nos pratiques. On s’est servi quelquefois chez les jurisconsultes d’un raisonnement approchant pour justifier la condamnation ou la torture des prétendus sorciers sur la déposition d’autres accusés du même crime, car on disait : Si cet argument tombe, comment les convaincrons-nous ? et quelquefois en matière criminelle certains auteurs prétendent que dans les faits où la conviction est plus difficile, des preuves plus légères peuvent passer pour suffisantes. Mais ce n’est pas une raison. Cela prouve seulement qu’il faut employer plus de soin, et non pas qu’on doit croire plus légèrement, excepté dans les crimes extrêmement dangereux, comme, par exemple, en matière de haute trahison, où cette considération est de poids, non pas pour condamner un homme, mais pour l’empêcher de nuire ; de sorte qu’il peut y avoir un milieu, non pas entre coupable et non coupable, mais entre la condamnation et le renvoi dans les jugements où la loi et la coutume l’admettent. On s’est servi d’un semblable argumeit en Allemagne depuis quelque temps pour colorer les fabriques de la mauvaise monnaie ; car, disait-on, s’il faut se tenir aux règles prescrites, on n’en pourra point battre sans y perdre. Il doit donc être permis d’en détériorer l’alliage. Mais outre qu’on devait diminuer le poids seulement, et non pas l’alliage ou le titre, pour mieux obvier aux fraudes, on suppose qu’une pratique est nécessaire, qui ne l’est point ; car il n’y a point d’ordre du ciel ni de loi humaine qui oblige à battre monnaie ceux qui n’ont point de mine ni d occasion d’avoir de l’argent en barres ; et de faire monnaie de monnaie, c’est une mauvaise pratique, qui porte naturellement la détérioration avec elle. Mais comment exercerons-nous, disent- ils, notre régale d’en battre ? La réponse est aisée. Contentez-vous de faire battre quelque peu de bon argent, même avec une petite perte, si vous croyez qu’il vous importe d’être mis sous le marteau, sans que vous ayez