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ces deux noms qui ont tant de rapport. Il y a moyen de venir à l’épreuve, car puisque vous avez lu le livre du célèbre Anglais, qui me donne tant de satisfaction, et qu’il traite une bonne partie des matières dont vous venez de parler, et surtout l’analyse de nos idées et connaissances, ce sera le plus court d’en suivre le fil, et de voir ce que vous aurez à remarquer.

Théophile. J’approuve votre proposition. Voici le livre.

§ 1. Philalèthe. Je l’ai si bien lu que j’en ai retenu jusqu’aux expressions, que j’aurai soin de suivre. Ainsi je n’aurai point besoin de recourir au livre qu’en quelques rencontres, où nous le jugerons nécessaire. Nous parlerons premièrement de l’origine des idées ou Notions (livre 1), puis des différentes sortes d’idées (livre 2), et des mots qui servent à les exprimer (livre 3), enfin des connaissances et vérités qui en résultent (livre 4), et c’est cette dernière partie qui nous occupera le plus.

Quant à l’origine des idées, je crois avec cet auteur et quantité d’habiles gens, qu’il n’y en a point d’innées, non plus que de principes innés. Et pour réfuter l’erreur de ceux qui en admettent, il suffirait de montrer, comme il paraîtra dans la suite, qu’on n’en a point besoin, et que les hommes peuvent acquérir toutes leurs connaissances sans le secours d’aucune impression innée.

Théophile. Vous savez, Philalèthe, que je suis d’un autre sentiment depuis longtemps, que j’ai toujours été, comme je le suis encore, pour l’idée innée de Dieu, que M. Descartes a soutenue, et par conséquent pour d’autres idées innées et qui ne nous sauraient venir des sens. Maintenant je vais encore plus loin, en conformité du nouveau système, et je crois même que toutes les pensées et actions de notre âme viennent de son propre fonds, sans lui pouvoir être données par les sens, comme vous allez voir dans la suite. Mais à présent je mettrai cette recherche à part, et m’accommodant aux expressions reçues, puisque en effet elles sont bonnes et soutenables et qu’on peut dire dans un certain sens que les sens externes sont cause en partie de nos pensées, j’examinerai comment on doit dire à mon avis, encore dans le système commun (parlant de l’action des corps sur l’âme, comme les coperniciens parlent avec les autres hommes du mouvement du soleil, et avec fondement), qu’il y a des idées et des principes qui ne nous viennent point des sens, et que nous trouvons en nous sans les former, quoique les sens nous donnent occasion de nous en apercevoir. Je m’imagine que votre habile auteur a remarqué que sous le nom de principes innés on soutient souvent ses préjugés et qu’on veut s’