Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/435

Cette page n’a pas encore été corrigée

ficielles. Il s’agit de savoir quelle connexion a une idée moyenne avec les extrêmes dans le syllogisme ; mais c’est ce que nul syllogisme ne peut montrer. C’est l’esprit qui peut apercevoir ces idées placées ainsi par une espèce de juxtaposition, et cela par sa propre vue. A quoi sert donc le syllogisme ? Il est d’usage dans les écoles, où l’on n’a pas honte de nier la convenance des idées qui conviennent visiblement. D’où vient que les hommes ne font jamais de syllogismes en eux-mêmes lorsqu’ils cherchent la vérité ou qu’ils l’enseignent à ceux qui désirent sincèrement de la connaître ? Il est assez visible aussi que cet ordre est plus naturel

homme — animal — vivant

c’est-à-dire, l’homme est un animal, et l’animal est vivant, donc l’homme est vivant, que celui du syllogisme

Animal = vivant. Homme = animal. Homme = vivant.

C’est-à-dire l’animal est vivant, l’homme est un animal, donc l’homme est vivant. Il est vrai que les syllogismes peuvent servir à découvrir une fausseté cachée sous l’éclat brillant d’un ornement emprunté de la rhétorique, et j’avais cru autrefois que le syllogisme était nécessaire, au moins pour se garder des sophismes déguisés sous des discours fleuris ; mais après un plus sévère examen, j’ai trouvé qu’on n’a qu’à démêler les idées dont dépend la conséquence de celles qui sont superflues, et les ranger dans un ordre naturel pour en montrer l’incohérence. J’ai connu homme à qui les règles du syllogisme étaient entièrement inconnues, qui apercevait d’abord la faiblesse et les faux raisonnements d’un long discours artificieux et plausible auquel d’autres gens exercés à toute la finesse de la logique se sont laissé attraper ; et je crois qu’il y aura peu de mes lecteurs qui ne connaissent de telles personnes. Et si cela n’était ainsi, les princes, dans les matières qui intéressent leur couronne et leur dignité, ne manqueraient pas de faire entrer les syllogismes dans les discussions les plus importantes, où cependant tout le monde croit que ce serait une chose ridicule de s’en servir. En Asie, en Afrique et en Amérique, parmi les peuples indépendants des Européens, personne n’en a presque jamais ouï parler. Enfin il se trouve au bout du compte que ces formes scolastiques ne sont pas moins sujettes à tromper ; les gens aussi sont rarement réduits au silence par cette méthode scolastique, et encore plus rarement convaincus et gagnés. Ils reconnaîtront tout au plus que