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y a été ajouté par la préparation ; et employant pour cet effet les vérités déjà connues ou démontrées, ils viennent à la conclusion. Mais il y a des cas où l’on se passe de l’ecthèse et de la préparation.

§ 4. Philalèihe. On croit généralement que le syllogisme est le grand instrument de la raison et le meilleur moyen de mettre cette faculté en usage. Pour moi, j’en doute, car il ne sert qu’à voir la connexion des preuves dans un seul exemple et non au delà ; mais l’esprit la voit aussi facilement et peut-être mieux sans cela. Et ceux qui savent se servir des figures et des modes en supposent le plus souvent l’usage par une foi implicite pour leurs maîtres, sans en entendre la raison. Si le syllogisme est nécessaire, personne ne connaissait quoi que ce soit par raison avant son invention, et il faudra dire que Dieu, ayant fait de l’homme une créature à deux jambes, a laissé à Aristote le soin d’en faire un animal raisonnable : je veux dire ce petit nombre d’hommes qu’il pourrait engager à examiner les fondements des syllogismes où entrent plus de 60 manières de former les trois propositions, dont il n’y en a qu’environ 14 de siires. Mais Dieu a eu beaucoup plus de bonté pour les hommes ; il leur a donné un esprit capable de raisonner. Je ne dis point ceci pour rabaisser Aristote, que je regarde comme un des plus grands hommes de l’antiquité, que peu ont égalé en étendue, en subtilité, en pénétration d’esprit et par la force du jugement, et qui, en cela même qu’il a inventé ce petit système des formes de l’argumentation, a rendu un grand service aux savants contre ceux qui n’ont pas honte de nier tout. Mais cependant ces formes ne sont pas le seul ni le meilleur moyen de raisonner ; et Aristote ne les trouva pas par le moyen des formes mêmes, mais par la voie originale de la convenance manifeste des idées ; et la connaissance qu’on en acquiert par l’ordre naturel dans les démonstrations mathématiques parait mieux sans le secours d’aucun syllogisme. Inférer est tirer une proposition comme véritable d’une autre déjà avancée pour véritable, en supposant une certaine connexion d’idées moyennes ; par exemple, de ce que les hommes seront punis en l’autre monde on inférera qu’ils se peuvent déterminer ici eux-mêmes. En voici la liaison : les hommes seront punis et Dieu est celui qui punit ; donc la punition est juste, donc le puni est coupable, donc il aurait pu faire autrement, donc il a liberté en lui, donc enfin il a la puissance de se détemniner. La liaison se voit mieux ici que s’il y avait cinq ou six syllogismes embrouillés, où les idées seraient transposées, répétées, et enchâssées dans les formes arti-