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394 NOUVEAUX ESSAIS connais pas plus certainement l’existence présente de l’eau que celle des bouteilles, quoique la première soit infiniment plus probable, parce qu’on a observé que l’eau est durable et que les bouteilles disparaissent. § 12. Enfin, hors de nous et de Dieu nous ne connaissons d’autres esprits que par la révélation, et n’en avons que la cer- iitude de la foi. Théophile. Il a été remarqué déjà que notre mémoire nous trompe quelquefois ; et nous y ajoutons foi ou non, selon qu’elle est plus ou moins vive et plus ou moins liée avec les choses que nous savons ; et quand même nous sommes assurés du principal, nous pouvons souvent douter des circonstances. Je me souviens d’avoir connu un certain homme, car je sens que son image ne m’est point nouvelle non plus que sa voix ; et ce double indice m’est un meilleur garant que l’un des deux, mais je ne saurais me souvenir où je l’ai vu. Cependant il arrive, quoique rarement, qu’on voit une personne en songe avant que de la voir en chair et en os ; et on m’a assuré qu’une demoiselle d’une cour connue vit en songeant et dépeignit à ses amies celui qu’elle épousa depuis et la salle où les fiançailles se célébrèrent ; ce qu’elle fit avant que d’avoir vu et connu ni l’homme ni le lieu. On l’attri- buait à je ne sais quel pressentiment secret ; mais le hasard peut produire cet effet, puisqu’il est assez rare que cela arrive, outre que, les images des songes étant un peu obscures, on a plus de liberté de les rapporter par après à quelques autres. § 13. Philalèthe. Concluons qu’il y a deux sortes de propositions, les unes particulières et sur l’existence, comme, par exemple, qu’un éléphant existe ; les autres générales sur la dépendance des idées, comme, par exemple, que les hommes doivent obéir à Dieu. § 14. La plupart de ces propositions générales et certaines portent le nom de vérités éteiTielles, et, en effet, elles le sont toutes. Ce n’est pas que ce soient des propositions formées actuellement quelque part de toute éternité, ou qu’elles soient gravées dans l’esprit d’après quelque modèle qui existât toujours ; mais c’est parce que nous sommes assurés que lorsqu’une créature, enrichie de facultés et , de moyens pour cela, appliquera ses pensées à la con- sidération de ses idées, elle trouvera la vérité de ces propositions. Throphile. Votre division paraît revenir à la mienne, des propositions de fait et des propositions de raison. Les propositions de fait aussi peuvent devenir générales en quelque façon, mais c’est par l’induction ou observation ;