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formerait par le hasard en jetant pêle-mêle les caractères d’imprimerie. Au reste, il est vrai aussi que pourvu que les phénomènes soient liés, il n’importe qu’on les appelle songes ou non, puisque l’expérience montre qu’on ne se trompe point dans les mesures qu’on prend sur les phénomènes lorsqu’elles sont prises selon les vérités de raison.

§ 15. PHILALÈTHE. Au reste la connaissance n’est pas toujours claire, quoique les idées le soient. Un homme qui a des idées aussi claires des angles d’un triangle et de l’égalité à deux droits, qu’aucun mathématicien qu’il y ait au monde peut pourtant avoir une perception fort obscure de le convenance.

THEOPHILE. Ordinairement, lorsque les idées sont entendues à fond, leurs convenances et disconvenances paraissent. Cependant j’avoue qu’il y en a quelquefois de si composées, qu’il faut beaucoup de soin pour développer ce qui y est caché ; et à cet égard, certaines convenances ou disconvenances peuvent rester encore obscures. Quant à votre exemple, je remarque que pour n’avoir dans l’imagination les angles d’un triangle, on n’en a pas des idées claires pour cela. L’imagination ne nous saurait fournir une image commune aux triangles acutangles et obtusangles ainsi cette idée ne consiste pas dans les images, et il n’est pas aussi aisé qu’on pourrait penser d’entendre à fond les angles d’un triangle.