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par exemple, par qui, et comment ? et où il y a plus à suppléer. Et ce sont seulement ces questions, qui laissent une partie de la proposition en blanc, que les mathématiciens appellent problèmes. Comme, lorsqu’on demande de trouver un miroir qui ramasse tous les rayons du soleil en un point, c’est-à-dire, on en demande la figure ou comment il est fait. Quant aux premières questions, où il s’agit seulement du vrai et du faux et où il n’y a rien à suppléer dans le sujet ou prédicat, il y a moins d'invention, ce pendant il y en a ; et le seul jugement n’y suffit pas. Il est vrai qu’un homme de jugement, c’est-à-dire qui est capable d’attention et de réserve, et qui a le loisir, la patience et la liberté d’esprit nécessaire, peut entendre la plus difficile démonstration si elle est proposée comme il faut. Mais l’homme le plus judicieux de la terre, sans autre aide, ne sera pas toujours capable de trouver cette démonstration. Ainsi il y a de l’invention encore en cela : et chez les géomètres il y en avait plus autrefois qu’il n’y en a maintenant. Car lorsque l’analyse était moins cultivée, il fallait plus de sagacité pour y arriver ; et c’est pour cela qu’encore quelques géomètres de la vieille race, ou d’autres qui n’ont pas encore assez d’ouverture dans les nouvelles méthodes, croient d’avoir fait merveille quand il trouvent la démonstration de quelque théorème que d’autres ont inventé. Mais ceux qui sont versés dans l’art d’inventer savent quand cela est estimable ou non : par exemple, si quelqu’un publie la quadrature d’un espace compris d’une ligne courbe et d’une ligne droite, qui réussit dans tous ses segments et j’appelle générale, il est toujours en notre pouvoir, suivant nos méthodes, d’en trouver la démonstration pourvu qu’on en veuille prendre la peine. Mais il y a des quadratures particulières de certaines portions, où la chose pourra être si enveloppée, qu’il ne sera pas toujours in potestate jusqu’ici de la développer.Il arrive aussi que l’induction nous présente des vérités dans les nombres et dans les figures, dont on n’a pas encore découvert la raison générale. Car il s’en faut beaucoup qu’on soit parvenu à la perfection de l’analyse en géométrie et en nombres, comme plusieurs se sont imaginé sur les gasconnades de quelques hommes excellents d’ailleurs, mais un peu trop prompts ou trop ambitieux. Mais il est bien plus difficile de trouver des vérités importantes, et encore plus de trouver les moyens de faire ce qu’on cherche lors justement qu’on le cherche, que de trouver la démonstration des vérités qu’un autre a découvertes. On arrive souvent à de belles vérités par la synthèse, en allant