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CHAPITRE II

Des degrés de notre connaissance

§ 1. PHILALÈTHE. La connaissance est donc intuitive lorsque l’esprit aperçoit la convenance de deux idées immédiatement par elles-mêmes sans l’intervention d’aucune autre. En ce cas, l’esprit ne prend aucune peine pour prouver ou examiner la vérité. C’est comme l’œil voit la lumière, que l’esprit voit que le blanc n’est pas le noir, qu’un cercle n’est pas un triangle, que trois est deux et un. Cette connaissance est la plus claire et la plus certaine dans la faiblesse humaine soit capable ; elle agit d’une manière irrésistible sans permettre à l’esprit d’hésiter. C’est connaître que l’idée est dans l’esprit telle qu’on l’aperçoit. Quiconque demande une plus grande certitude, ne sait pas ce qu’il demande.

THÉOPHILE. Les vérités primitives, qu’on sait par intuition, sont de deux sortes comme les dérivatives. Elles sont du nombre des vérités de raison, ou des vérités de fait. Les vérités de raison sont nécessaires et celles de fait sont contingentes. Les vérités primitives de raison sont celles que j’appelle d’un nom général identiques, parce qu’il semble qu’elles ne font que répéter la même chose, sans nous rien apprendre. Elles sont affirmatives ou négatives ; les affirmatives sont comme les suivantes. Chaque chose est ce qu’elle est. Et dans autant d’exemples qu’on voudra A est A, B est B. Je serai ce que je serai. J’ai écrit ce que j’ai écrit. Et rien en vers comme en prose, c’est être rien ou peu de chose. Le rectangle équilatéral, cette figure est un rectangle. Les copulatives, les disjonctives et autres propositions sont encore susceptibles de cet identicisme, et je compte même parmi les affirmatives : Non-A et non-A. Et cette hypothétique : Si A est non-B, il s’ensuit que A est non-B. Item, si non-A est B C, il s’ensuit que non-A est B C. Si une figure qui n’a point d’angle obtus peut être un triangle régulier, une figure, qui n’a point d’angle obtus, peut être régulière. Je viens maintenant aux identiques négatives qui sont ou du principe de contradiction, ou des disparates. Le principe de contradiction est, en général, une proposition est ou vraie ou fausse, ce qui renferme deux énonciations vraies : l’une, que le vrai et le faux ne sont point compatibles dans une même proposition, ou qu'une proposition ne saurait être vraie et fausse à la fois ; l’autre, que l’opposé ou la négation du vrai et du faux ne sont pas compatibles,